IYAWO ASSOCIATION

À Afagnan, les femmes brisent le silence

À Afagnan, les femmes brisent le silence sur les violences, mais le chemin reste long

Afagnan, Togo — Plus de 150 femmes se sont réunies à l’esplanade de Radio Mokpokpo pour le lancement des activités de septembre du programme Génération Engagée de l’Association IYAWO. En partenariat avec l’AFPM-Togo, l’Association Djila, l’AFEVD et avec le soutien de MOOV AFRICA Togo (#Weena), l’initiative visait à sensibiliser, outiller et inspirer les femmes sur les violences basées sur le genre (VBG), la parentalité positive et les activités génératrices de revenus (AGR).

Lors de cette rencontre, un constat frappant a été partagé : « Ici, dans notre communauté, certaines mamans considèrent leurs filles comme des produits rentables à vendre », a confié l’une des participantes. La précarité, la faim et le désespoir conduisent parfois à banaliser les violences, que ce soit sur les filles ou les mères — sexuelles, verbales, physiques ou psychologiques. Une autre participante a livré son témoignage poignant : « Nous vivons avec des hommes qui pensent que nous n’avons pas le droit d’être fatiguées pour le sexe. On subit des insultes quand nous refusons, certains font semblant de comprendre, mais ce sont des violences verbales et psychologiques. Et le pire, on nous demande de ne pas parler, car nous sommes des femmes au foyer. »

Toutes les mamans ont exprimé leur désir de voir leurs enfants réussir et ont insisté sur la nécessité d’avoir des modèles inspirants. Les animatrices leur ont conseillé de montrer l’exemple, en citant régulièrement des réussites concrètes à leurs filles et garçons, mais surtout en incarnant elles-mêmes le leadership et la réussite.


Les défis persistants pour les femmes d’Afagnan

Malgré les dispositifs existants, de nombreux obstacles demeurent. La méconnaissance ou le déni de certaines formes de VBG reste préoccupante. Les violences psychologiques — humiliations, isolement, menaces, privation de ressources financières — et économiques sont encore trop souvent invisibles et perçues comme « normales », alors qu’elles minent insidieusement la confiance et la liberté des femmes.

À cela s’ajoute la peur de dénoncer. Dépendance économique, pression sociale et crainte de représailles ou de stigmatisation freinent l’accès à la justice et aux services d’aide. Une participante explique : « On nous dit souvent que ce que nous vivons à la maison est normal. Pourtant, ces humiliations et ce contrôle détruisent notre confiance. Nous devons savoir que nous avons des droits et que nous pouvons les faire respecter, surtout avec une communication non violente. »

Pour Edwige Apedo, présidente de l’Association Djila et journaliste membre de l’AFPM-Togo, l’éducation repose sur les parents et sur la visibilité des modèles : « Dans chaque communauté, il y a des femmes brillantes qui ont réussi à briser des codes. Les mamans doivent les connaître pour les montrer à leurs enfants. Les histoires de succès dans chaque famille démontrent que l’autonomisation des filles et femmes est possible, même dans les zones reculées, et peuvent représenter une fierté pour la famille tout en donnant une voix forte au pays. »

Innocente Edoh Gali, journaliste et femme active à Afagnan, insiste : « C’est une belle occasion de dialoguer avec les mamans sur des sujets importants qu’il faut toujours actualiser. Nous espérons poursuivre ce travail avec IYAWO et, dans les jours à venir, d’autres actions se feront dans le sens des AGR. »

Pour Amen Assignon, journaliste et membre de l’AFPM-Togo : « Les violences basées sur le genre brisent des vies. Briser le tabou est une urgence, et se rapprocher des mères comme le fait IYAWO est une belle action de sensibilisation ».

Hélène Martelot, journaliste membre de l’AFPM-Togo, souligne l’importance de l’autonomie économique : « Il faut apprendre à toutes les filles à faire des activités génératrices de revenus. Leur apprendre à gagner leur argent elles-mêmes pour éviter que la précarité ne les pousse dans des pièges. »

Pour Madame Gnoun Gbati, présidente de l’AFEVD et collaboratrice d’IYAWO : « C’est un travail acharné que nous menons depuis des années dans toutes les régions du Togo. La sensibilisation permet d’éveiller et de susciter des réflexions, des débats internes, pour changer les mentalités et les comportements. Nous resterons aux côtés de la présidente d’IYAWO dans cette mission. »


Solutions et ressources disponibles

Au Togo, plusieurs dispositifs sont mis en place pour soutenir les victimes :

  • 8284 : signaler les violences basées sur le genre (VBG) ;
  • 1014 : numéro vert 24h/24 et 7j/7 pour dénoncer viols et tentatives de viol ;
  • 1011 : protection des mineurs et dénonciation anonyme des violences sur enfants ;
  • Chatbot « Akofa » (GF2D + ministère de l’Action sociale) via WhatsApp au 93 96 89 89 (envoyer « SOS ») ;
  • 23 centres d’écoute offrant soutien psychologique, juridique et social aux victimes.

Ces outils sont essentiels mais restent sous-utilisés, souvent par manque de sensibilisation et d’accompagnement adapté.


Des chiffres qui interpellent

Entre 2020 et 2022, 7 851 victimes de VBG ont été accueillies dans les 23 centres d’écoute, dont 1 802 victimes de violences économiques nécessitant un soutien pour se réinsérer via des AGR. Près de 29 % des femmes âgées de 15 à 49 ans tolèrent ou acceptent les violences conjugales, un chiffre alarmant qui illustre la persistance de normes sociales défavorables et la nécessité d’un travail de sensibilisation en profondeur.


Pourquoi agir maintenant ?

Le programme Génération Engagée d’IYAWO vise à créer des espaces de dialogue sécurisés, à outiller les femmes pour reconnaître, dénoncer et se défendre, et à les soutenir afin qu’elles n’aient plus peur des représailles. Elisabeth Apampa, présidente de l’association, insiste : « Chaque femme doit prendre conscience de sa puissance et de son rôle dans la société. Nos mamans doivent saisir cette opportunité de se réunir en nombre pour identifier les défis de la communauté, penser des solutions, faire des plaidoyers et être des femmes d’impact. Elles ne sont plus seules. »

Cette mobilisation appelle une réponse durable et collective : renforcer les dispositifs existants, multiplier les campagnes de proximité et bâtir de véritables réseaux de protection. Pour que chaque voix soit entendue et chaque femme protégée, pas seulement à Afagnan, mais dans toutes les communautés du Togo.

IYAWO entend poursuivre ses actions de terrain, avec ses moyens et ses partenaires, convaincue qu’un changement durable passe par l’engagement de toutes et tous.

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